23ème fil: Tes gâteaux au sésame me consolent de notre sort.
La vie du peuple dans la rue, des métayers, des esclaves, toute en soumission et dénuement, semble bien dure, puisqu’ils dépendent toujours de la volonté de leur maître. Nous, les femmes, nous ne sommes pas beaucoup mieux loties, même lorsque nous appartenons à la classe noble. Nous allons où on nous envoie, nous mangeons si les hommes le permettent, nous dormons sur un lit de plumes ou au fond d’un galetas, nous nous habillons de soies ou de hardes suivant ce que notre époux peut ou veut nous fournir. Pas de couronnes de vainqueurs pour nous, pas de tribune où nous vêtir de pourpre. Et pourtant, si notre sort n’est pas trop terrible, si nous ne sommes pas battues tous les jours, si nous ne sommes pas séparées de ceux que nous aimons, si nous n’avons pas faim ou froid, ne connaissons nous pas plus de bonheurs que les hommes qui veulent encore, toujours, plus de pouvoir, plus de richesses, plus de gloire ? Ils s’agitent au gouvernement, ils dirigent des expéditions, ils négocient des acquisitions, ils écrivent, ils disputent, ils font graver leurs noms dans le marbre. Lorsqu’ils ont réussi à arracher une parcelle supplémentaire de terrain, de lauriers, d’influence, sont-ils plus heureux que l’esclave qui, assis sur le pas de la porte à la fin de la journée, alors que la température s’est rafraîchie, mange un morceau friand mis de côté par la servante à l’insu de la cuisinière?
Et moi, alors que l’on vient de m’informer que rien ne nous reviendra, ni à moi ni à toi, de l’héritage de mes parents que mes frères ont réussi à détourner à leur profit, je tentais d’apaiser mon chagrin en brodant une frette sur un bandeau, lorsque j’ai entendu frapper à la porte. C’était toi, ma consolation, mon rayon de soleil, tu m’apportes des petits gâteaux au sésame, les premiers que tu aies préparés toute seule, grâce à la complicité de la servante! Tiens, donne m’en encore un, car il n’en existe pas de plus doux !
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